27 août 2011

Eschalon : Book II

Test PC :
Par Shinobi
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genre : jeu de rôle à l'ancienne
support : pc, mac, guy lux
prix : 20€


Force est de constater qu'aujourd'hui le jeu vidéo indépendant est devenu branché. Il mange du tofu poêlé à l'oméga 3, il boit du thé glacé thaï commerce équitable et va acheter tous les dimanches matins ses tomates au marché bio en 4x4. Ouais, il est devenu chébran le jeu indé, il a le petit doigt en l'air et pense qu'on devrait tuer tous les salauds qui laissent leur télé en veille la nuit.

Mais il a oublié un truc le jeu indé, c'est qu'auparavant il n'était pas aussi superficiel, il n'avait pas besoin de se donner bonne conscience pour aboutir. Des point&clic écolos, des puzzle-games pseudo-philosophiques avec de belles citations trop profondes ou encore des jeux se revendiquant jusqu'à la moelle "œuvre d'art". Tu vois coco, c'est indé, c'est de l'art, c'est tellement hype. Et quand le résultat ne plait pas ou est sorti à l'arrache, on s'excuse avec des DLC.
Alors quand des développeurs souhaitent revenir aux fondamentaux d'un jeu, en puisant leur inspiration parmi les plus grands du genre tout en accompagnant leur extension gratuite d'un "We love you", on se calme, on s'assoit et on accorde de l'attention au petit bout de chou.

DE KATMANDOU A TON BOOK TWO

"Oh une dague de bronze émoussée ! Vraiment il ne fallait pas !"
Basilisk Games tape dans le old-school et annonce la couleur d'emblée : "Vous avez déjà joué à Ultima ? Might & Magic ? Wizardry ? Fallout ? Si c'est le cas vous devez capter le type de jeux sur lequel on planche".
Et les gars ne mentent pas : Eschalon Book II est un jeu de rôle bien à l'ancienne. Univers médiéval-fantastique avec zone de départ remplie de rats géants, un monde ouvert découpé en cases et le tout reposant sur un système de tour par tour. Avant de lancer l'aventure, le joueur a également la possibilité de régler les paramètres de la partie : armes qui se dégradent, gestion de la faim et de la soif, impossibilité de sauvegarder si l'on est malade, empoisonné ou gravement blessé...C'est hardcore baby, et vraiment fun pour le coup.

Les environnements rappellent Warriors of The Eternal Sun sur Megadrive
Alors je vous vois venir : "Ouiiii mais c'est le 2 là, moi j'ai pas fait le 1 je vais rien comprendre" et gnagnagna. Du calme, grâce à un habile stratagème extrêmement élaboré, les développeurs ont établi un moyen pour concilier tout le monde et ne pas perdre le néophyte dès le départ. Pouf ! Le héros est amnésique et ne se souvient d'aucun évènement ayant eu lieu dans le 1er opus d'Eschalon. On aurait l'envie de se moquer là tout de suite, mais tous les éléments antérieurs au 2ème volet sont brillamment révélés au fur et à mesure du jeu, donnant chaque fois de l'ampleur à la trame principale.
Bon cette dernière est en réalité assez banale et constitue le point le plus décevant du jeu, on est loin des scénarios sophistiqués des jeux de rôles papiers par exemple. Elle est toutefois suffisante pour profiter de tout ce qu'Eschalon 2 a à proposer.

UN JEU DE RÔLE INDÉ VAIN ?

Comme je l'ai dit, le monde à disposition est ouvert et le joueur pourra explorer l'endroit qu'il voudra quand il le voudra. Et revenir en courant après avoir semé une dizaine de monstres 20 niveaux supérieurs au sien. Le jeu est également en tour par tour. Si le joueur est immobile, le monde le sera aussi. Il ne sera pas figé pour autant, tous les êtres vivants continueront de gigoter leurs deux animations quoiqu'il arrive. Ouais, c'est vintage et pas plus étonnant que les personnages de Final Fantasy Tactics qui font du moon-walk stationnaire. De plus l'ambiance sonore est très réussie, donnant ainsi de la vie à un monde peu animé et accorde une véritable personnalité au soft.
Le tour par tour attribue un aspect stratégique aux combats, dont beaucoup nécessiteront réflexion en ce qui concerne les déplacements et actions pour parvenir à se tirer d'affaire. Il arrive régulièrement que l'on se retrouve encerclé par l'ennemi et à subir un assaut oppressant à cause d'une action mal pensée ou d'un jet de dé raté.


Car oui, comme dans un Baldur's Gate, les jets de dés sont simulés et prenent en compte de nombreuses caractéristiques, elles-même interdépendantes.
La fiche de création, complète et proche de ce que l'on peut trouver dans un bouquin de jeu de rôle, offre au joueur la possibilité de se confectionner un perso aux petits oignons. Ainsi on peut tout à fait créer un voleur alchimiste, un archer magicien ou un guerrier druide. Tout dépendra de la façon dont vous monterez vos attributs et des compétences que vous développerez. Il y a énormément de possibilités à exploiter et on voudrait pouvoir tout expérimenter.

C'est à ce moment que l'on se rend compte que l'on est plus proche d'un jeu de rôle traditionnel que d'un Oblivion. Il faut réfléchir à son personnage, à la façon dont on va le jouer et ce qu'il sera capable de faire. Au personnage que l'on a envie de jouer en somme.

RICK REROLL

Eschalon : Book II n'est pas facile à prendre en main au départ et l'aventure m'a régulièrement confronté à ma propre imbécilité. Tout d'abord, après une première heure à galérer et à avoir l'impression de faire n'importe quoi, j'ai dû me résigner à lire le manuel en PDF dans son intégralité. Un vrai manuel, qui explique vraiment comment jouer au jeu. Ça faisait des années que cela ne m'était pas arrivé.

On peut jouer à Docteur Maboule en appuyant sur "S"
Pourtant Eschalon est assez simple pour permettre au débutant de s'amuser pleinement, et suffisamment compliqué pour que les habitués puissent maximiser les multiples aspects du jeu. On comprend vite comment s'y prendre et on se lance dans l'aventure. Le reste appartient au joueur.
Le jeu n'est pas dirigiste et jamais les développeurs ne prendront le joueur par la main. Tenez par exemple, les pnj n'ont pas de gros point d'exclamation fluo au dessus de la tête. Pour avoir une quête il faudra discuter avec eux et leur demander s’ils n’ont pas besoin de vos services. Réfléchissez aux productions actuelles et vous verrez que c'est un point qui mérite d'être souligné.

De plus les discussions et quêtes sont très bien écrites et donnent envie d'être lues en entier. Cerise sur le gâteau, beaucoup de missions pourront être résolues de différentes manières. Tantôt il faudra enquêter pour trouver la solution qui semble être la bonne (mention spéciale à l'excellente quête du loup garou), ou alors faire des choix. Et si vous commettez une erreur, démerdez-vous. Il m'est arrivé de tuer un pnj important pour la quête principale et j'ai dû expliquer plus tard, l'air ballot, que c'était pas moi, c'était lui qui avait commencé et que de toute façon il l'avait bien cherché. Je me suis senti bien con.

"SERVEZ-VOUS, IL Y A UNE ÉPÉE +5 SOUS L’ÉVIER"

Bear Grylls n'aurait pas peur des donjons
Car tout est cohérent dans Eschalon, et tout repose sur les choix du joueur. Cela va des quêtes à la customisation du personnage, mais concerne aussi sur les réactions des PNJ, à ce qu'ils vont vous acheter et de la somme dont ils disposent pour le faire. Ils vous attaqueront si vous entrez par effraction chez eux et se méfieront s'ils entendent un bruit suspect. Le métier de voleur n'est pas aisé et il convient de bien gonfler ses compétences en discrétion, crochetage et camouflage si vous espérez chatouiller de votre dague les omoplates de ce mage dont l'efficacité de sa boule de feu n'est plus à démontrer. Selon ce que vous répondrez à tel individu, de qui vous tuerez ou aiderez, il faudra toujours réfléchir et faire des choix. Alors on n'est pas non plus dans Fallout mais négliger certaines conséquences serait une grave erreur...
Ah oui et ne comptez pas non plus trouver une armure sur un loup crevé.

On ne peut malheureusement pas manger les louveteaux
Le jeu est donc très riche et offre de quoi s'occuper de nombreuses heures dans les villes et les donjons. Enfin le jeu valorise beaucoup l'exploration et chaque expédition est récompensée.
Pour tout vous dire j'ai passé plus de 15 heures avec mon magicien et j'ai l'impression d'être passé à côté de pas mal de choses ou d'avoir oublié quelques éléments que j'avais mis de côté pour plus tard.
Enfin il m'a semblé qu'à haut niveau la classe de magicien était surpuissante, des sorts me permettant de crocheter les serrures, me rendre invisible ou encore désarmer les pièges. Un sentiment de dépersonnalisation de l'avatar à cause de sorts trop "couteau-suisse". Bref il suffit de ne pas apprendre certains parchemins et de garder les sorts de vrais mago, comme boule de feu ou osmose avec les loutres.

Dernier détail : Pour les billes en anglais, il faut savoir que le jeu est intégralement en anglais et n'a pas subi de traduction officielle. Une traduction française non-officielle est cependant en cours d'élaboration.

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CONCLUSION :

Eschalon : Book II n'est pas le jeu de l'année, mais il s'avère un très bon jeu de rôle et un véritable bol d'air frais dans ce monde de casualisation et de jdr troquant leur âme pour du gros-billisme primaire. Riche, simple et compliqué à la fois, celui qui prendra la temps de se familiariser avec le jeu y trouvera forcément son compte. Je vous le dit, on a oublié comment jouer à ces jeux là.
Et la meilleure façon pour s'en convaincre reste de tester la démo par vous-même.

NOTE : 8/10
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